Peux-tu te présenter?
Je suis Boubacar Diabang, plus connu sous le nom de Cool Diabang, mon nom d’artiste. Je suis né en 1972 en Casamance au Sénégal dans le village d’Abéné.
J’ai fait mes études à l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Dakar.
A partir de 1999, j’ai séjournée régulièrement aux Pays Bas puisque j’y avais des expositions ou des résidences artistiques. Aujourd’hui, je vis et travaille entre la France et le Sénégal. Mes ateliers sont situés à Dinan, en Bretagne et en Casamance. J’étais resté plusieurs années sans retourner au Sénégal suite à la disparition d’un ami proche mais également à cause du conflit en Casamance, désormais j’y retourne régulièrement.
Pourquoi as-tu choisi ce métier ?
J’ai eu un déclic en 1988 lors de ce qu’on appelle au Sénégal « l’année blanche ». Pendant cette année, il y eu des manifestions d’élèves et étudiants si bien qu’il n’y a eu ni cours dispensés, ni examens ce qui a conduit à une année invalidée.
C’est dans ce contexte que je me rendais régulièrement au centre culturel régional de Ziguinchor et que j’ai commencé à m’intéresser à l’art dans toutes ses formes.
En tant qu’artiste, comment te définis-tu?
Je suis un artiste pluridisciplinaire : peinture, sculpture, musique (percussions) ou encore performances.
Quel est ton parcours?
Après l’année blanche de 1988, je suis retourné au lycée mais en 1991 (deux ans après le décès de mon père) j’ai définitivement abandonné le cycle secondaire pour poursuivre dans le domaine artistique. J’ai alors intégré l’Ecole Nationale des Beaux Arts.
J’y suis resté 5 ans au lieu des 4 traditionnels car la 1ere année je suis arrivé en retard au concours. Je venais d’arriver à Dakar et je me suis senti comme un peu perdu dans cette grande ville.
Par quels artistes as-tu été influencé?
Pendant l’année blanche, j’ai rencontré le peintre Mamadou Lamine Tanda au centre culture régional de Ziguinchor. Il m’a ouvert les portes de son atelier et c’est lui qui m’a conseillé d’intégrer l’Ecole des Beaux Arts. Ce n’est pas forcément lui qui m’a inspiré en tant qu’artiste ou qui m’a influencé mais il m’a mis sur la voie artistique, je lui dois beaucoup.
Lors d’un séjour dans mon village natal, j’ai rencontré des autrichiens organisés en collectif : Losito Bild und Freudshaft, ils m’ont invité à aller en résidence à Salzbourg en Autriche. Ils ont également beaucoup compté et influencé mon parcours.
Concernant la musique, du côté maternel, il y a beaucoup de percussionnistes, très tôt, j’ai baigné dans cet univers et c’est donc tout naturellement qu’à mon tour je m’y suis mis.
Qu’est ce qui a déclenché cet envie de faire ce métier?
Issa Samba alias Jo Ouakam est un artiste que j’ai rencontré aux Beaux Arts, il est un performeur de talent et incontestablement il m’a donné le goût pour cet art.
Côté artistes plasticiens, j’étais sensible au style expressionnisme. J’ai été touché par le travail de l’artiste France Kline et Georges Baselitz, j’aimais beaucoup leurs œuvres.
Tes proches t’ont-ils toujours soutenu dans tes choix?
Ma décision de m’engager dans une voie artistique n’a pas été facilement acceptée puisque cela impliquait l’abandon du lycée.
Je sais que si mon père avait été vivant, il n’aurait pas approuvé ce choix. Ma mère m’a soutenu dès le début mais du côté des mes frères et soeurs, oncles et tantes cela a été plus beaucoup plus difficile à comprendre et accepter.
Que reflètent tes oeuvres? Comment peux-tu les présenter?
Dans mon travail, il y a toujours un lien entre le monde rural qui m’inspire énormément ainsi que le monde mystique et spirituel. Je suis issu d’une famille de pêcheurs donc tout cet environnement se retrouve dans mes œuvres.
Je m’intéresse également aux questions socio politiques, au conflit en Casamance, à l’année blanche….ce sont des questionnements permanents et le fait de peindre, sculpter ou performer sont comme une réponse face à ses situations, c’est en sorte mon mode d’expression.
Ma peinture n’est pas totalement figurative, ni abstraite, elle est empreinte de rythmes et de mouvements, j’essaie de donner une harmonie aux couleurs et aux formes qui s’entrechoquent dans l’espace de mon œuvre.
Comment travailles-tu?
Je ne sais jamais à l’avance ce que je vais faire. Face à la toile, je laisse libre cours à mon imagination. C’est comme un besoin d’extérioriser et d’aller dans l’imaginaire.
Plus j’avance dans mes recherches, plus j’essaie de sortir du conventionnel et du cadre.
J’aime par exemple utiliser du bois organique ou des toiles sans chassis…..
Je travaille vraiment à l’instinct et donc il est très difficile pour moi de peindre pour une commande bien précise.
Mon travail de peinture me conduit parfois à toucher d’autres univers comme l’assemblage, des installations et même des performances.
J’aime beaucoup les collaborations. Récemment à Dakar au musée IFAN, j’ai fait une performance avec les danseuses de la compagnie Ténane autour du thème de la Liberté d’Expression. Cette année, j’ai travaillé avec de nombreux artistes dont la chanteuse Allemande Sonja Kandels au Village Green Festival à Southend on Sea en Angleterre et à Genève avec le plasticien Sénégalais Soly Cissé.
Quelle étape préfères-tu dans la réalisation?
Cela dépend vraiment des périodes et de mon état d’esprit.
J’ai toujours besoin d’être dans le mouvement, de partager le travail avec d’autres artistes.
Quelle est l’oeuvre phare parmi tes créations?
Il m’est difficile de répondre à cette question car c’est comme si on me demandait de choisir entre mes enfants.
Une fois que j’ai fini une toile, je passe rapidement à autre chose. J’ai besoin d’aller immédiatement vers autre chose.
Quel est l’environnement idéal pour travailler?
Selon les périodes et les projets je travaille seul ou avec d’autres personnes si j’ai besoin d’assistance, je peux collaborer avec d’autres artistes comme je l’ai évoqué précédemment. Mais au début de la création, je préfère et j’ai besoin d’être seul.
Pour certains projets, j’ai besoin d’être en Afrique pour les réaliser surtout en hiver !
Depuis 2007, je suis souvent en Grande Bretagne, cela m’a permis de développer mes compétences en matière performance.
Etes vous dans des associations ou des collectifs?
Dans une optique d’échanges artistiques et culturels, je travaille en partenariat avec diverses associations ou collectif tels que le Collectif d’Artistes Plasticiens de Genève et Conversation Culturelle de Bonn en Allemagne.
En France je suis le fondateur du Collectif Ici et là bas — Arts et cofondateur du Collectif Utopia Performances.
Cette année, j’ai co-créé avec l’ Artistes Jeannot Bruce du Sénégal, le Collectif TAWI (Touki ou Travel Artist Workshop International) et nous avons présenté un projet pour le Off de la Biennale DAK’ ART 2016.
Quels sont vos projets en cours?
Je prépare une exposition à la Nest Galerie Genève en Suisse pour le mois de Novembre. Le commissaire d’exposition est Ousmane Dia.
Je participerai à la fin de l’année à l’exposition « Guissou Me le Mbao » au Sénégal pour la commémoration de l’histoire silencieuse des Tirailleurs Sénégalais. Il s’agit d’un projet présenté par Claude Gomis et Saskia Kobschall en collaboration avec la structure Apexart de New York.