Harouna Ouédraogo

Art Kelen
8 min readSep 12, 2016

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Peux-tu te présenter ?

Je suis un artiste peintre âgé 35 ans. Je suis originaire du Burkina Faso mais je réside en région lyonnaise depuis 2009. Je travaille également au Burkina Faso et aux Etats unis périodiquement.

Pourquoi as-tu choisi ce métier?

Ce n’est pas vraiment un choix, depuis tout petit je m’intéressais au dessin. Cela est très vite devenu une passion, je rêvais de pouvoir dessiner de beaux paysages et des portraits.

Désireux d’en apprendre toujours plus, je me suis tourné vers la peinture mais sans jamais abandonner le dessin. J’ai suivi des cours d’anatomie artistique du modèle humain puis j’ai évolué en passant du dessin « normal » à un dessin plus personnel. Cette évolution a été révélatrice et m’a permis de prendre mon envol artistique : j’ai compris que l’on pouvait s’exprimer différemment et de manière plus vaste et c’est exactement ce que je recherchais.

La peinture est pour moi le meilleur outil me permettant de m’exprimer et d’illustrer mes émotions. Contrairement à d’autres artistes, je ne parviens pas à m’exprimer via la photographie ou la sculpture même si ce sont deux formes artistiques que j’apprécie.

Quel est ton parcours?

J’ai suivi un enseignement classique jusqu’en 3ème mais en parallèle et de manière tout à fait autonome, j’apprenais à dessiner. Vers l’âge de 12 ans, j’ai intégré une troupe polyvalente dans laquelle plusieurs univers étaient abordés : apprentissage en dessin et peinture, danse, théâtre, musique et chorégraphie.

Ces années n’ont pas été de tout repos car je devais jongler entre l’école et ma passion pour l’art.

En l’an 2000, j’ai été admis à l’Institut National de Formation Artistique et Culturel. Cette structure en collaboration avec le Centre Culturel Français et le Ministère de la Culture a octroyé des bourses et j’ai eu la chance d’en obtenir une dès la seconde année.

Cette bourse mettait à disposition du matériel et des formateurs en dessin en anatomie du corps humain. Cela a été un bon complément et m’a permis d’explorer le dessin plus en détails mais aussi de me perfectionner.

Cette formation s’est si bien passée que j’ai été amené très rapidement à animer des ateliers tout en continuant à dessiner et à me former.

J’ai par la suite commencé à travailler l’art abstrait pur. Mes peintures ne représentaient pas des formes précises, l’accent était plutôt sur les couleurs et sur diverses techniques. Avec le temps j’ai intégré des formes plus figuratives ce qui m’a conduit à conjuguer les deux et donc à faire du semi figuratif !

Quels artistes t’ont influencé ?

Ce sont les peintres classiques qui m’ont influencé tel que Picasso et William Turner. Il faut dire que ce sont les livres auxquels nous avions accès. C’est une peinture posée, calme et profonde, j’aime particulièrement la manière dont Turner travaillait la couleur.

Aujourd’hui, je suis tourné vers des choses plus vivantes, plus concrètes car j’ai ressenti le besoin de m’exprimer par la peinture. Un personnage comme Basquiat m’a beaucoup frappé. Ce n’est pas tant son travail qui m’a impressionné mais le caractère de la personne que l’on peut deviner à travers son travail.

J’apprécie également l’œuvre de Soly Cissé qui a la possibilité de transformer des personnages, de donner du caractère, de l’expression à des formes et des couleurs.

Tes proches t’ont-ils toujours soutenu dans ton choix de devenir artiste?

Disons que c’était un peu partagé. Ma mère étant tisserande, je pense que son travail, et plus particulièrement, les couleurs qu’elle utilisait m’inspiraient. Elle ne comprenait pas du tout mon attirance pour le domaine artistique et pensait qu’il était préférable de suivre un enseignement classique.

Quant à mon père, bien que réticent au début, il a très vite compris que le système classique ne me convenait pas et il m’a donc encouragé dans mon choix. Je crois que le déclic lui est venu quand j’ai obtenu mon BEPC au bout de la cinquième fois!

Il m’a ainsi financé mes études artistiques. C’est une personne d’un esprit très ouvert et qui m’a également beaucoup influencé.

Que reflètent tes oeuvres?

Pour moi elles reflètent une sorte de vision singulière de l’insensé. En fait, lorsque je travaille je ne me pose aucune question, je ne réfléchis pas. Je n’essaie pas de reproduire un geste ou une ligne. Et dans ce sens, je ne pense pas avoir de signatures particulières. Peut être que les personnes qui connaissent et aiment mon travail reconnaissent un trait commun mais pour ma part je ne suis pas sur qu’il y en est un. Et s’il existe, c’est tout à fait inconscient.

D’où te vient ton inspiration?

Je commence toujours avec une base, ces derniers temps, c’est tout ce qui touche au social urbain.

Il y a quelques années c’était surtout ciblé sur l’Afrique puisque j’y vivais et c’est tout ce que je connaissais. Mais avec mes voyages, mon champ d’expression et de pratiques s’est élargi. J’évite d’être confiné dans une boite et en tant qu’artiste je me permets d’explorer d’autres univers.

Mon inspiration vient donc d’Afrique et d’ailleurs mais aussi de différents éléments qu’ils soient physiques ou non.

Je m’inspire également de l’actualité mais je fais en sorte que cela ne se voit pas nécessairement. J’aime bien brouiller les pistes.

Comment travailles-tu? Quelles sont les étapes de création?

Quand je commence, j’installe plusieurs supports en même temps, soit du papier soit des toiles ou alors les deux à la fois, mais une chose est sur, j’ai besoin d’avoir ces supports en quantité. Je les dispose pêle-mêle. Cela me donne une impression de liberté incomparable.

La gestuelle a une place primordiale dans mon processus de création et donc, je réfléchis en mouvement à la manière dont je vais attaquer le support. Cela peut durer très longtemps. Une fois la peinture commencée, bien souvent je reviens en arrière non pas pour améliorer une technique ou une couleur mais plutôt pour essayer de construire des choses qui sortent de l’ordinaire, dessiner des formes non conformes…Pour moi, l’art est une forme d’expression qui nous permet de nous exprimer librement, sans limites, raison pour laquelle j’aime jouer avec les formes en les déformant.

Je ne cherche pas à donner du sens et j’adore pouvoir réaliser ce que je veux.

Quelle est l’étape que tu préfères dans la réalisation?

J’aime le début car cela me permet de m’amuser, pratiquer des gestes qui correspondent à ce que je veux exprimer sur le support.

Et la fin aussi qui me permet de “réparer mes dégâts”, c’est la manière dont je vois la chose. J’aime bien à la fin prendre du temps pour observer chaque œuvre.

Lorsque tu débutes une création, as-tu une idée précise de l’aboutissement souhaité?

La plupart du temps lorsque que je débute le travail avec une idée précise, j’aboutis à autre chose. Ce qui en soit est une bonne chose car j’arrive à me surprendre, et c’est assez excitant !

De plus, quand je commence avec un but précis, j’ai l’impression que je me répète, que la peinture que je suis entrain de réaliser est une copie d’une autre toile.

Je préfère un travail spontané, retranscrire une pensée ou une émotion que je vis dans le moment présent. Raison pour laquelle, j’ai énormément de peintures réalisées et en cours. J’éprouve constamment le besoin d’illustrer mon ressenti.

Je ne produis pas en fonction d’expositions, je peins tout le temps.

Quelle est l’oeuvre phare de ta création?

Chaque œuvre a sa particularité, sa propre histoire et son caractère. Chaque toile est nouvelle et unique.

Comme je le disais précédemment, je ne pense pas avoir de style particulier. D’ailleurs ce terme style ne me parle pas du tout.

Où travailles-tu?

Mon atelier et mon domicile sont deux lieux bien distincts. Je travaille dans un local, le Hang’art des créateurs, avec des artisans qui disposent chacun de leur atelier. C’est un lieu qui reçoit accueille chaque mois des expositions.

Cela est mon petit sanctuaire, c’est l’endroit, en France, où je me sens le mieux. J’y passe énormément de temps.

L’atelier permet de se renfermer et de vivre ce qu’on a créé. Pour moi qui suis beaucoup dans la gestuelle, l’atelier est utile car je peux évoluer dans mon espace sans prêter attention aux regards des autres.

J’aime aussi beaucoup travailler en extérieur notamment quand je suis en Afrique.

Adhères-tu dans des associations, des collectifs ou autres?

Par le passé oui, j’étais membre fondateur du Hangar11 à Ouagadougou qui est un lieu créé par un collectif d’artistes. Cet espace est consacré à l’art contemporain et à la création plastique. Je me suis un peu désengagé à cause de la distance.

Nous avions également créé une association appelée les Autres Yeux au sein du Hangar11, mais depuis que je vis en France, je suis nettement moins impliqué.

Ici, pour des raisons légales et professionnelles, je suis affilié à la maison des artistes.

Ayant mon atelier au sein du Hang’art des Créateurs je suis simple adhérant à l’association qui tient les lieux.

Quels sont tes projets en cours?

Actuellement j’expose à Nashville aux Etats Unis dans la galerie Nomade.

Je peins et expose aussi mon travail dans le Nouveau Mexique, toujours aux Etats Unis en collaboration avec un galeriste qui s’occupe de mes œuvres de manière permanente.

En France, j’expose dans le cadre de Get Arty qui est une galerie itinérante, sans local fixe. Ils sont toujours en recherche des meilleurs emplacements pour organiser des événements.

Je vais aussi exposer dans les locaux du Hang’art des Créateurs en novembre à Lyon, et au Gmac Bastille à Paris.

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