- Peux-tu te présenter ?
Je suis Omar Ba, artiste. Je suis né en 1977 dans un village Serer, à 150 km de Dakar dans la région de Fatick. Je vis en Suisse depuis 2003.
Je vis de mon art depuis 6 ans.
Je travaille avec 4 galeries situées respectivement à Paris, Bruxelles, Milan et Londres.
Pourquoi je vis à Genève ? Il s’agit en fait d’un pur hasard. Alors que je finissais mon Ecole des Beaux Arts en 2003, j’ai rencontré un artiste suisse qui était également professeur à l’Ecole des Beaux Arts de Genève. Il était à Dakar dans le cadre de la réalisation d’une peinture murale à la maison de la culture Douta Seck. J’ai participé à cette œuvre et nous nous sommes liés d’amitié.
Il m’a proposé de continuer ma formation en Suisse, et j’ai accepté.
- Pourquoi as-tu choisi ce métier?
Je n’ai pas choisi l’art. Quand j’étais au Sénégal, j’ai exercé plusieurs activités pour gagner ma vie et cela me ramenait toujours à l’art. J’ai animé des ateliers, j’ai travaillé dans la décoration et au final il y avait toujours un lien avec la création.
En fait, créer est la seule chose que je sache faire.
- Quel est ton parcours?
J’ai suivi le schéma classique jusqu’aux études secondaires, puis j’ai intégré l’Ecole Nationale des Beaux Arts à Dakar pendant 5 années à l’issue desquelles j’ai obtenu mon diplôme. J’ai alors ouvert un atelier d’artistes. A cette période j’exposais également dans quelques galeries dakaroises.
En 2003, j’ai participé à Bonn à un symposium sur le langage des couleurs avec six autres artistes sénégalais pendant un mois. Riche de cet apprentissage, je suis rentré à Dakar où j’ai eu la chance de participer à une exposition solo. C’est à cette période que j’ai rencontré ce professeur Suisse dont je parlais précédemment.
Je me suis donc envolé pour Genève pour étudier. J’ai obtenu un post-grade qui est l’équivalent d’un master. J’ai alterné jusqu’en 2011 études et activité salariée. Je donnais des cours d’art plastique dans des écoles. C’est à partir de 2011 que des galeries se sont intéressées à mon art.
- Tes proches t’ont-ils toujours soutenu dans tes choix?
Le fait de me voir dessiner sans arrêt, de savoir que j’avais une fibre artistique rassurait mes parents dans le sens où j’étais entre l’école et la maison. Contrairement aux jeunes de mon âge qui sortaient beaucoup, je restais à la maison pour dessiner et créer. Mais à partir du moment où j’ai décidé d’arrêter le cursus scolaire classique pour intégrer l’Ecole des Beaux Arts, ils ont été réticents. Ils pensaient que je ne pourrai pas vivre de mon art. Face à ma détermination, ma mère m’a finalement soutenu tout le long de mes études artistiques, notamment tant sur le plan financier. Aujourd’hui elle est très contente et fière de ma réussite.
- Que reflètent tes oeuvres?
Mes œuvres me définissent donc elles évoluent en même temps que moi.
Je peins pour exister en tant qu’humain sur terre. J’ai le sentiment d’avoir un rôle à jouer et donc l’art me permet de m’exprimer et de dire ce que je pense.
L’art me permet aussi de réagir à une situation qui me touche de manière directe ou indirecte.
Mes œuvres sont le reflet des personnes qui évoluent autour de moi mais je parle également de moi. Elles peuvent évoquer aussi bien la situation géopolitique mondiale que l’histoire de l’Afrique à travers à son passé, ses relations avec l’occident ou le monde arabe.
Mon inspiration me vient également de ma culture et de mes traditions comme, par exemple, les jeux auxquels je jouais enfant.
- Lorsque tu débutes une création, as-tu une idée précise de l’aboutissement souhaité?
Quand je débute une toile, je ne sais pas du tout quel en sera l’aboutissement. Je peux définir les formes que je souhaite voir apparaître, puis je suis dans la recherche jusqu’à ce que je parvienne au travail final. A ce moment seulement, je suis en mesure de donner un titre.
Chaque création est un véritable travail de recherche plus ou moins long dans le temps. Par exemple, j’ai plusieurs toiles débutées depuis 4 ans. En cas de blocage, je mets de côté jusqu’à ce que l’inspiration revienne ; je préfère faire une pause.
- Quelle est l’étape que tu préfères dans la réalisation?
Les deux étapes que je préfère sont les suivantes : la première est le moment où je touche l’âme de la peinture, c’est à dire le moment où j’ai la certitude que je suis sur la bonne voie. Cela peut être dès le début, lorsque j’ai posé tous les éléments sur la toile. Je suis alors content et satisfait.
Le deuxième moment que j’apprécie est lorsque la peinture est finie, c’est un sentiment de soulagement.
- Quelle est ta particularité, ta singularité?
L’une de mes caractéristiques est que je peins sur des cartons même s’il m’arrive également de peindre sur de la toile et du papier.
Je commence toujours la peinture par un fond en noir, c’est une manière d’aller à contre courant puisque la plupart des personnes peignent le support en blanc. Pour ma part, je vois mieux en noir. J’ajoute ensuite la lumière.
- Quelle est l’oeuvre phare de ta création?
Je n’ai pas d’œuvre phare car chacune d’elle est en lien direct avec mon histoire. Tout ce que je vis est important, par conséquent toute mon œuvre est importante.
- Où travailles-tu?
A Dakar, j’ai aménagé un atelier au sein de ma maison. Mais la plupart du temps je suis à Genève. J’ai un domicile dans lequel je ne suis pas souvent car je passe la majorité de mon temps dans mon atelier où j’ai aménagé un espace repos.
Il peut m’arriver de débuter une toile à Genève et de l’achever à Dakar ou l’inverse.
- Quel est l’environnement idéal pour toi, pour pouvoir bien exercer ton métier ?
C’est incontestablement dans mon atelier, je m’y sens en sécurité, je maîtrise l’environnement et quelque part ça me rassure.
- Adhères-tu à des associations, des groupes, des collectifs avec d’autres d’artistes?
Non, je ne fais partie d’aucune association mais je peux participer à des réunions ou des séminaires. Je suis plutôt solitaire.
- T’intéresses tu à d’autres formes artistiques et à d’autres formes de culture?
Je suis très curieux et désireux de m’ouvrir et découvrir toute forme d’art.
J’aime beaucoup tout ce qui touche au métier du bois par exemple.
- Quels sont tes projets en cours?
Je prépare actuellement des foires pour Dallas et des expositions à Paris, en coopération avec mes galeries.